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Natacha Polony, Marianne & l’oligarchie

par | Avr 19, 2022 | Billet, Débat public, Société, Transparence de l'information, Xavier Niel | 0 commentaires

Il y a des victoires amères. Natacha Polony, qui m’avait proposé de travailler pour Marianne, était devenue l’une de mes plus acharnées détractrices suite à Crépuscule, faisant publier articles, vidéos et textes particulièrement fielleux sur tout ce que je faisais, clamant à tout va que je fantasmais et que j’inventais, que les oligarques ne jouaient aucun rôle dans les rédactions où ils investissaient.

L’opération de destruction a été particulièrement rude et soigneusement menée. Marianne était encore assez considéré. Entre quelques tentatives de réhabilitation de nos milliardaires blessés (voir notamment le portrait ahurissant de complaisance publié sur Xavier Niel il y a quelques mois), elle faisait ainsi commander des articles à des journalistes toujours différents pour me dévaster, allant jusqu’à fouiller dans mes notes de licence à l’université pour tenter de m’humilier.

Vous vous souvenez peut-être de la recension d’Abattre l’ennemi qui, sans un commentaire sur le fond, se contentait, en un long article particulièrement violent, d’ironiser sur le style et sur l’auteur, incapable de porter un jugement sur les idées et propositions qui s’y trouvaient.
Ma faute avait été double: révéler l’ampleur de l’emprise des oligarques sur la presse française dans un livre, et plus incidemment, refuser – comme je l’avais fait pour Médiapart – une invitation à un de ces cocktails que Marianne organisait, et dans lequel le tout Paris se pressait, en reprochant à mon interlocutrice de les organiser.

Je croyais alors à la sincérité de celle-ci. Natacha Polony est en effet une femme extrêmement intelligente. Je l’avais rencontrée, dans le cadre d’un entretien où elle s’était montrée extraordinairement louangeuse. Elle se voulait alors férocement indépendante et défendant la souveraineté. Elle connaissait une traversée du désert financière qui l’avait sérieusement ébranlée.

Ce que j’avais quelques peu oublié – comme je cela m’arriverait lorsque je rencontrerais Edwy Plenel ou François Sureau – c’est que ces gens ne sont sincères que lorsqu’ils sont en difficultés. La réalité, c’est qu’elle s’était vendue à tout ce que le petit Paris produit, et n’aspirait qu’à une chose: recommencer.
Après avoir gagné des fortunes sur le service public, puis, pendant cinq ans, plus de 27.000 euros par mois pour une revue de presse de cinq minutes sur Europe 1, elle attendait désespérée que l’on revint la chercher.

C’est alors qu’un certain Daniel Kretinsky, l’un des plus puissants oligarques tchèques, qui a progressivement pris le contrôle d’une partie de la presse française (dont une partie du groupe Le Monde et Elle) pour gagner en influence politique et prendre des parts sur le marché de l’énergie, l’a contactée, en lui faisant signer un contrat de plus de 200.000 euros de salaire annuel, pour prendre la direction de Marianne, rédaction d’à peine vingt journalistes qui accumulait les pertes et exploitait les pigistes qui la nourrissaient.

C’est donc en bonne employée et avec l’aide de l’indicible Denis Olivennes – dont j’ai longuement décortiqué l’avanie, et qui est passé depuis à Libération, ce qui vous permettra de comprendre l’agressivité récente du journal à mon égard – que Natacha s’est jetée enragée sur tous ceux qui critiquaient celui qui lui donnait à manger.

Aujourd’hui, sa société des rédacteurs publie un communiqué pour dénoncer l’intervention de Daniel Kretinsky dans la Une qu’ils avaient choisie.

Lorsque vous vous vendez à un oligarque, vous n’êtes plus journaliste mais employé. Avec de la chance, celui-ci laissera du mou sur la laisse, et chargera votre hiérarchie et son DG de vous diriger.

Lorsque la chose devient plus serrée – en cas d’élection, par exemple, qui risque de tout faire basculer – il faut cependant s’attendre à être traité pour ce que l’on est: rien de moins, rien de plus, qu’un(e) prostitué.

Bernard Arnault avait fait de même, il y a cinq ans, en imposant la publication, dans Le Parisien (qu’il détient), d’un appel à voter pour son plus précieux soutien, Emmanuel Macron, écrit de ses propres mains.

Pensées à tous ceux qui ont accepté de se laisser ainsi manipuler, et qui auront tout fait pour détruire ceux qui avaient le courage de le révéler.

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